Notre dernier conducteur Uber à San Francisco (nous l’appellerons Hubert, merci à l'excellente suggestion d'un de mes lecteurs) nous a énormément éclairées sur la situation économique de San Francisco. je vous livre ici son témoignage accompagné de mes recherches.


Dans la famille d'Hubert, pas moins de cinq générations ont vécu à SF. Il a vu la ville se métamorphoser et les prix grimper. En effet, pour vivre aisément à San Francisco, il faut un salaire annuel d'environ 120 000$ US. Pour un appartement avec une seule chambre à coucher, les loyers coûtent plus de 3000$ mensuellement (certains sites disent plus de 4000$, quatre fois le prix moyen aux États-Unis). Pour acheter une maison, il faut compter en moyenne 850 000$ US. La vie quotidienne coûte cher également. Nous avons vu des tubes de dentifrice à plus de 8S US, soit environ 10,50$ CAN avant taxes. Je ne vous parle même pas des fruits et légumes. Alors, notre hôtel miteux à 160$ CAN ne nous arnaquait pas.


Pendant notre voyage en Californie et durant notre trajet avec Uber, nous avons croisé de nombreux sans-abris. En effet, c'est un problème majeur de la ville. Ils sont estimés à 7500, comparativement à 3000 dans la ville de Montréal (chiffres datant de 2015). Ils ont complètement changé le visage de San Francisco. Ils seraient principalement issus de San Francisco (70%) ou du reste de la Californie (20%) ce qui n'est pas difficile à croire si l'on tient compte de l'impossibilité à joindre les deux bouts. Notre chauffeur nous racontait que beaucoup de femmes présentes dans les refuges pour sans-abris sont des mères monoparentales accompagnées de leurs enfants. Souvent, elles ont été chassées de leur appartement, faute de pouvoir le payer.


L'un des passagers, un autre conducteur Uber, nous confie qu'il conduit souvent des gens qui ont un emploi, qui portent des vêtements propres, mais qui dorment dans des tentes parce que leur loyer est devenu trop dispendieux. Ils sentent bon, qu'il précise, parce qu'ils ont encore leur abonnement 24 h au gym et qu'ils s'y lavent chaque jour.


Je fais remarquer à notre conducteur que j'ai croisé beaucoup de jeunes sans-abris. Il nous parle du programme pour enfants orphelins (Foster Care) qui se termine dès que les jeunes atteignent 18 ans. Il arrive trop souvent que ces jeunes se font expulser de leur maison d'accueil parce que le gouvernement ne paie plus pour eux. Ces jeunes n'ont alors pas les moyens de se payer un appartement et n'ont souvent même pas terminé leurs études. On dit également que 30% de la population itinérante serait issue de la communauté LGBT ou handicapée. Je peux confirmer que nous avons croisé plusieurs itinérants en chaise roulante, c'est d'une grande tristesse.


Pour leur venir en aide, le gouvernement investit chaque année des millions de dollars en services de toutes sortes (refuges, nourriture, condoms, seringues, soins de santé et même des tentes - nous en avons croisé plusieurs). Certains se plaignent que la ville devient un genre de camping dans chaque rue. L'apparition de ces tentes peut même donner l'impression que le phénomène prend de l'ampleur parce qu'il est plus facilement observable. On nous dit que ce n'est pas le cas pourtant, mais comme on leur interdit de plus en plus l'accès à certains secteurs de la ville, d'autres deviennent plus peuplés.


Avec un nombre élevé de sans-abris, le nombre de crimes augmente, notamment les vols de voiture la nuit tombée. "Ils revendent ce qu'ils volent sur le bord de la rue le lendemain matin." Et comme il ne s'agit pas d'un crime contre la personne, la police a moins de temps à investir pour résoudre ces crimes. Dans seulement 1,6% des cas, on en viendra une arrestation. En moyenne, 28 000 vols de voiture sont commis chaque année, soit une moyenne de 85 par jour. Une très bonne raison de ne pas laisser son GPS sur le siège avant ou de louer une voiture... Ma mère sera heureuse de lire que c'est sur la rue Market (rue sur laquelle nous vivions) que l'on compte le plus de vols de ce genre...


Hubert attend que sa fille ait terminé l'école avant de s'en aller. C'est ce que les membres de sa famille ont fait tout comme ses meilleurs amis. Il ne reconnaît plus sa ville natale et ne sait plus vraiment quoi proposer pour régler le problème.


De mon point de vue, San Francisco est toujours une ville magnifique et en connaissant bien les secteurs à éviter, elle est aussi sécuritaire. Il faut toutefois que la ville poursuivre son travail pour enrayer ce fléau avant que cela n'affecte davantage l'économie du tourisme dans un de cercle vicieux sans fin.